09 avril 2009

Géante

Je sentais une douce brise caresser mon corps et j'arrivais petite à petit à trouver une bonne position pour me détendre un peu et ne pas trop solliciter mes muscles des bras et des épaules. J'étais bien accroché à la corde et je pouvais voir le paysage sous moi devenir de plus en plus petit.
Nous montions doucement le long son corps, tout doucement, paisiblement, comme seule une mongolfière peut le faire. Mais je pouvais difficilement la regarder, j'étais tourné dans le mauvais sens. Tant pis, je regardais le paysage verdoyant, les bocages touffus entre des collines, toutes ces terres travaillées par la main de l'homme arrosées de rais de lumière trouant les nuages.
Je n'avais pas encore été repéré et je devais me concentrer pour agir vite au bon moment. Je devais absolument être le premier au sommet.

Alors que je commençais à grimper la corde afin de me rapprocher de la nacelle je vis une petite tête blonde apparaître de celle-ci et une expression de surprise désagréable se dessiner sur le visage de ma compétitrice. Je mis le turbo pour arriver à m'agripper à la nacelle, un peu plus et elle finissait de couper la corde, m'envoyant m'écraser loin là-bas sur le sol. J'arrivais à me hisser à bord en faisant tanguer dangereusement notre engin, mon ennemie de circonstance, que je ne pensais pas être capable d'une telle sauvagerie, m'attaquait déjà avec un couteau. Occupée dans son désir d'éliminer toute concurrence elle en oubliait son objectif principal et la mongolfière commençait désormais à s'éloigner. Je profitai d'un moment d'inattention pour me jeter de la nacelle et atterrir au sommet du crâne de la belle captive, non sans devoir m'agripper à ses cheveux noirs et raides pour ne pas glisser tout en bas.

Sa chevelure sentait la vanille et j'avais toujours plus envie de la prendre dans mes bras, de l'embrasser. Mais pour l'instant la situation ne s'y prêtait guère. Je regardais la mongolfière continuer son chemin, des petits cris énervés s'en échappant ettoufés par des sanglots. Le soleil m'éclaira et je pu apercevoir enfin la chaîne en or au bout de laquelle une toute petite clé tintait joyeusement. Je la saisis en démêlant soigneusement les cheveux qui l'entravaient. Je pris une longue mèche et m'avançais précautionneusement  vers le haut du front de ma princesse que j'allais enfin libérer. Bien accroché je commençais à descendre en rappel en découvrant les jolis traits de celle qui ne savait pas encore que j'allais être son sauveur. Et je sentais l'angoisse monter dans mon ventre: peut-être n'allait-elle pas me reconnaître, peut-être n'allait-elle pas se soucier de moi, peut-être qu'aucun prince ne pouvait la séduire, tout charmant que j'essayais d'être.

Tout à coup je glissais de son nez bien droit (d'aussi près je pouvais voir quelques détails moins jolis qu'une vue macrospique permet d'avoir, mais je n'y prêtais aucune attention, je pressentais que j'allais découvrir un formidable trésor) pour me balancer devant son oeil encore fermé. J'avais conscience d'avoir à préférer ne pas regarder en bas depuis cette altitude mais mon regard tombait directement dans son décolleté et j'aimais contempler cette peau ambrée qui semblait si douce, j'étais même tenté de m'y laisser sombrer. A mon poignet la chaîne faisait tourner la clé d'or dans tous les sens si bien qu'un reflet vint bientôt se dessiner par hasard sur la paupière de ma belle au bois dormant. Je pu sentir une soudaine respiration secouer son formidable corps, une fine humidité apparu sous sa paupière supérieure et l'oeil commença à s'ouvrir devant moi. C'était un oeil peut-être grand comme 5 hommes, d'une couleur d'émeraude dans lequel j'allais me noyer. Un flash de lumière m'aveugla.

Je m'éveillai sur le flan blanc d'une montagne enneigée. J'étais littéralement glacé, incapable du moindre geste, rigide comme du bois. En fait j'étais en bois, en pièces usinées en chêne, et non polies. Une sorte de sculpture contemporaine en plusieurs volumes détachés et qui formaient ou non mon image suivant le point de vue adopté par d'hypothétiques spectateurs. Existe-t-il pour moi aussi une clé libératrice au bout d'une chaînette ?

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