21 mai 2006

Ebauche d'une rencontre

Cet après-midi j’ai rencontré une jeune femme qui m’a parlé d’un nouveau parti politique que je ne connaissais pas : Démocratie Libérale Révolutionnaire (DLR). En entendant démocratie libérale je me méfiais un peu mais le révolutionnaire m’a tout de suite intrigué. Il est vrai que de nos jours, en France et comme partout, nous ne vivons pas dans une démocratie, tout le monde ne participe pas complètement à la politique du pays, ni dans une société libérale, personne ne se sent responsable vis à vis des autres (argumentation rapide, certes). Ce nouveau parti semble ne pas être républicain, ce qui me gêne énormément. Mais il faut bien avouer que la démocratie ne peut être obtenue qu’en dépassant la république. Je suis tout à fait républicain, malgré cela je pense en effet que la république ne va pas assez loin sur certaines valeurs, d’autres ne sont pas prises en compte.
Tout d’abord ce parti se propose de démocratiser le monde législatif un peu à la manière soviétique ou athénienne, c’est à dire qu’il y aurait des assemblées locales. Il y aurait par la suite toute une construction pyramidale d’assemblées pour enfin atteindre une assemblée nationale. Les représentants de cette assemblée seraient désignés par tirage au sort dans les assemblées régionales elles-mêmes constituées au hasard et ainsi de suite. Evidemment pour ne pas donner des responsabilités trop lourdes à des gens qui n’en veulent pas, les représentants à la base de la pyramide pourraient être élus localement.
Tout ceci n’aurait d’intérêt que dans un système tout à fait décentralisé pour préserver une démocratie. Il me semble qu’un tel système fédéraliste est impossible à mettre en place dans un pays comme la France avec son histoire, son identité nationale construite autour de Paris et d’un état centralisé.
Le pouvoir exécutif serait détenu par trois personnes, une sorte de triumvirat. Et la je m’interroge encore : comment pouvons-nous parler de pouvoir exécutif dans un système aussi décentralisé ? La séparation des pouvoirs est difficile et je crois que le système proposé par la DLR est, de façon quasiment totale, législatif. Encore qu’il est vrai que dans cette période de mondialisation les principales décisions se font à l’échelle au moins européenne et non locale. Il faudrait analyser la chose. Trois grands ministères seraient donc au sommet de la politique française : le ministère de l’espèce humaine, le ministère de la justice et le ministère de l’économie. Ce dernier est tout à fait nécessaire pendant la période révolutionnaire, par la suite une remise à niveau des institutions pourraient être envisagée. Pour ma part je trouve qu’un ministère de l’économie est obligatoire et qu’il y en aurait plutôt d’autres qui auraient été oubliés.
Commençons par le ministère de l’espèce humaine. Le nom est dès le départ un peu pompeux. Son ministre serait choisi par tirage au sort au sein de l’assemblée nationale pour une durée de 2 ou 4 ans et reviendrait en bas de la pyramide législative par la suite (je reparlerai du recyclage des compétences trop peu utilisé à mon sens dans ce système). C’est lui qui aurait le dernier mot en cas d’indécision du triumvirat (sous contrôle d’un sénat). Le ministère de l’espèce humaine a la lourde tâche de travailler à la préservation de notre espèce, rien que ça ! Beaucoup plus que l’écologie (qui y aurait une place importante), cela prend en compte le travail, les loisirs, la culture... Bon, d’accord, je veux bien moi.
Le ministre de la justice serait élu au suffrage universel direct pour 6 ans et ne pourra plus l’être de nouveau (de même que le ministre de l’économie). A part cette restriction, tout le monde est éligible. Ah ! C’est lui qui dirigerait l’armée et tout ce qui touche au ministère de l’intérieur (il ne contrôle pas la justice qui reste indépendante, il y a donc toujours séparation des pouvoirs).
Le ministre de l’économie est désigné pour 4 ans par le sénat suivant ses compétences théoriques (cela nécessite donc un concours).
Je vous ai parlé du sénat et là je n’ai pas tout compris, je vais donc essayer d’en parler comme je peux. Le sénat est le siège du recyclage des compétences : les anciens ministres (des trois ministères) se réunissent. Quelle est la mission de ce sénat ? A part ce qui m’avait été dit auparavant, je n’ai pas eu de précision. Il serait une sorte d’organisme de contrôle du triumvirat.
Le programme économique est encore plus intéressant. Nous vivons dans une société de marketing, la qualité, l’efficacité sont aujourd’hui des valeurs dépassées. Le monde économique est en guerre froide et n’a que faire du bien général, il y contribue si ça lui rapporte. L’état ne fait pas partie du monde économique de la même façon qu’une entreprise (même une assurance). J’acquiesce jusqu’à ce dernier point mais je continue. Tel l’ONU, l’état doit contrôler les entreprises par rapport aux nécessités de la société. Les entreprises doivent démontrer leur capacité à se démocratiser (de la façon qu’elles ont choisie) et accepter en son sein des ambassades de l’état. Il leur serait même recommandé d’accepter des ambassades de leurs principaux concurrents. Le but est là évidemment de remplacer la compétition par la coopération ou plutôt la collaboration vers un monde meilleur.
(Qu’est ce que c’est que Loft Story ? C’est, pour moi, la marque d’une recherche de compétitivité dans le domaine social. Le but est d’être le meilleur socialement comme amoureusement, économiquement, professionnellement, sportivement, etc. ... J’ai été très étonné hier d’entendre un de mes amis me dire que je serais bon dans cette émission. Déjà j’en doute fort, de plus cela voulait dire que mes amis voyaient bel et bien Loft Story comme une compétition puisque je pourrai y être meilleur, socialement, que les autres (c’est bien un point de vue de vrais amis ça, non ?). Et nous sommes alors rentrés dans la discussion : « Moi si j’étais à leur place je ferais comme-ci et comme ça, en tous cas je ne serai pas aussi ridicule. » Nous y sommes : le ridicule ! ... Et je dois avouer que je me suis fait piéger, car Loft Story est profondément humain.)
Il est vrai que le système de la compétition économique est ridicule et toute personne essayant de le défendre ne résisterait pas trois secondes aux faits objectifs. Mais seules les grandes entreprises pourraient se sortir d’un pareil système, qu’en est-il des PME, de la liberté d’entreprise ? Le système capitaliste et libéral est certes peu efficace (je ne parle pas d’efficacité financière ni de production) mais il a le mérite d’être celui qui s’est construit tout seul, de façon naturelle. Alors la jeune femme m’a expliqué que le monde économique restait tout à fait libre et que le but était qu’il devienne autonome et responsable ce qu’il n’est pas aujourd’hui, en cela le libéralisme deviendrait plus abouti.
Par contre le pouvoir judiciaire semble être peu atteint par les réformes. Ce sujet va pouvoir malgré tout me permettre d’aborder le problème de la mondialisation et que de telles mesures ne sauraient être acceptées par le reste du monde. En effet ce parti propose de supprimer les prisons qui ne servent qu’à usiner des travailleurs pour qu’ils se réinsèrent dans des entreprises fonctionnant comme au début du 20ème siècle au mieux. A cette époque la prison avait un rôle formateur, plus maintenant. La DLR lui oppose l’exile ou le travail forcé. L’exile où, comment, pourquoi ? L’exile parce que c’est un système juste : un homme qui refuse les règles de la société n’en fait plus partie ; et qu’il montre l’échec de la société face au condamné et engendre une remise en question et un accompagnement de celui-ci. De plus, accompagné d’un rite de passage lisible, il définit la motivation de l’individu à participer à la vie sociale. Je pense que même dans un système décentralisé, ce système n’est pas forcément efficace. Et comment le mettre en place, sauf à développer un programme de colonisation de Mars ou de la Lune (c’est de la science-fiction, et de plus :
1) serait-ce vraiment humain de les y envoyer ?
2) serait-ce très sécuritaire d’envoyer des gens dont nous ne voulons plus s’occuper de notre matériel de haute technologie)
Je ne vois pas comment exiler des gens de cette manière, sans savoir où. C’est un problème de cohérence parait-il, la prison étant paradoxale et inapplicable dans certains cas. Les cas justement sont à étudier : on ne va pas exiler pareillement un tueur et un conducteur qui a dépassé la limitation de vitesse de 5 km/h. Et là la réponse a été suivi psychologique, remise à niveau, assistance publique etc... ainsi que travail forcé « resocialisation par intégration orientée » encadré par l'armée. En gros 50% de la population en charge des autres 50%. Elle a rapidement parlé de travail de développement extérieur : en gros que ce travail forcé ferait partie de grands travaux d'aménagement dans les pays en voie de développement (gratuits ? vu que nous en tirerions nous aussi un intérêt ?).
De manière générale, c’est n’importe quoi. Malgré tout cette discussion m’a permis bien des réflexions. C’est fatiguant d’entendre que nous vivons dans une démocratie, ce n’est pas vrai et personne ne le souhaite d’ailleurs. Ce n’est pas vrai que le monde économique veut un monde libéral, tout comme la population, il est en réaction vis à vis du politique, il veut générer de la richesse et non œuvrer pour la société. Il faudrait utiliser les mots pour ce qu’ils veulent dire et non les employer sans les redéfinir. Il est vrai que le but de l’homme est la préservation de son espèce, et c’est son but unique. Même l’écologie n’est que cela : préserver les conditions qui permettent notre survie (si on détruit la Terre elle s’en moque, par contre ça nous embêterait, nous).
La pensée unique c’est ne pas remettre en question ce qui semble acquis, du coup on utilise les mêmes mots en ayant des fantasmes sur leur signification. Nous vivons bel et bien dans un monde pourri même si on essaye de le décrire avec de beaux concepts grecs ou révolutionnaires. Notre société est dure, elle n’est pas polie, et a craché dans la soupe la première. J’invite à cracher dans la soupe, au moins à critiquer et profiter de la société dans le même temps, c’est un minimum vital pour engendrer la réflexion et les prises de conscience. C’est vrai que c’est bien d’être constructif, mais le pire c’est d’être hypocrite vis à vis de soi-même je crois, il faut réintroduire la liberté de parole intime. On n’est pas ce que l’on fait (même pas dans une petite part : il n’y a pas de part dans le concept d’essence) et c’est pourtant le principe idéologique d’aujourd’hui. C’est incroyable tout de même comme on en revient toujours à la religion !
Elle était vraiment jolie sinon. Elle venait d’un pays de l’Est je pense, rapport à son accent, et elle avait beaucoup de charme. Brune, les cheveux courts, elle était plus grande que moi et elle avait une certaine élégance naturelle. A sa morphologie je me demandais si elle ne faisait pas de la natation. Elle m’avait parlé timidement au début, à moins que ce ne fussent que ses hésitations pour trouver ses mots, et elle était presque légère malgré le sujet de la discussion. Et petit à petit, voyant que j’étais à son écoute, tout à fait charmé par son physique je faisais l’effort de ne pas trop la contredire, elle s’était enflammée, elle avait dit toutes ces choses avec une idée derrière la tête, une profondeur intellectuelle et affective que je voulais connaître mieux. Son rapport à la culture m’intéressait. Emu et ne pouvant soutenir mon attention sur cette discussion plus longtemps je lui dis : « That’s out of my kenning. » Elle rit puis nous sommes restés ensemble le reste de la journée.