31 juillet 2006

Une chemise

Un peu en retard ce matin je me suis rapidement douché et habillé. Comme il faisait chaud je me suis vêtu d'un pantalon et d'une chemisette de couleur un peu sympa... parce qu'il faut bien rigoler. Toujours est-il que j'arrivais au bureau tranquillement, ma tâche habituelle à accomplir.
Vers 11H je me rendis compte que j'avais en rendez-vous de prévu ce soir, avec un client. Autant dire que je n'étais pas habillé correctement, je ne m'étais même pas rasé et j'arborais une barbe d'un jour pas très fournie mais visible et du plus mauvais effet. Il fallait donc que j'agisse efficacement et à 11H30 je suis parti vers le centre commercial, au milieu de tous ces beaux grattes-ciel. Je devais trouver une chemise avant de trouver un moyen de me raser.
En déambulant entre les magasins à la recherche d'enseignes connues pour leurs prix bas et une qualité acceptable je tombai nez à nez avec une belle chemise à rayures de couleurs chaleureuses. Le tissu avait l'air beau et la coupe sympathique. En la voyant presque présentée comme un tableau au milieu d'une vitrine vide j'aurais peut-être dû me méfier, j'aurais peut-être dû regarder l'étiquette pour connaître le prix... ou plutôt la chercher car il n'y en avait pas. Est-ce que cela m'aurait mis la puce à l'oreille ? Je rentrai donc dans ce magasin aux vastes volumes et éclairé de lumières jaunes... aucun vêtement à première vue. Une hôtesse d'accueil descendit des larges escaliers à ma rencontre. Je voulais être efficace en disant tout de suite ce que je voulais mais l'hôtesse m'arrêta habilement en m'expliquant que ce magasin avait une politique commerciale un peu particulière pour instaurer des échanges plus riches avec la clientèle et permettre à cette dernière d'effectuer ses achats de manière plus détendue et confortable. Je m'étais déjà fait avoir avec un blabla du même acabit dans le cadre de mon travail pour un logiciel que je voulais tester. Je m'étais fait avoir et je me faisais encore avoir cette fois-ci.
Elle m'emmenait sur la gauche dans un salon de cuir moelleux "à l'américaine", c'est à dire confortable, clinquant... de mauvais goût. Pour autant je m'enfonçai dans un canapé, face à une table basse en verre. L'hôtesse assise en face de moi me tendit une coupe de champagne, fines bulles, belle couleur, parfum subtile... A ce moment-là tout lecteur digne de ce nom se dit qu'il serait parti depuis bien longtemps. Mais c'est parce que je n'ai pas parlé de l'hôtesse: moi qui aime officiellement les femmes brunes aux cheveux courts, au corps galbé et athlétique, au visage clair et non maquillé, je me retrouvais devant une femme élégante, blonde et parfumée, plus grande que moi... maquillée. En temps normal je ne suis pas fan mais là j'étais aux anges. Elle me parlait avec une voix chaude et douce, affable elle faisait preuve d'esprit et d'humour, elle riait même quand j'essayais bêtement de faire du second degré comme à mon habitude. J'essayais par exemple de connaître le prix de cette chemise en plaisantant sur une étiquette à 2000 euros mais elle me dit "non, quand même pas 2000 euros" en laissant sous-entendre que ce n'était pas beaucoup moins. Elle m'expliqua donc que je devais assister à une présentation portée pour me faire une idée, ceci dans quelques minutes, puis elle me dit comment étaient tissés les habits, par qui ils étaient dessinés. On m'apporta des macarons de toutes les couleurs et une nouvelle coupe de champagne ainsi que le catalogue de la maison. Je le feuilletais sans être vraiment intéressé en me disant que ce temps ne serait pas perdu puisque je mangeais mon déjeuner à l’œil... enfin je l'espérais.
Vers 14h je me sentais carrément piégé. Je pouvais difficilement partir comme ça, en ayant boulotté tous ces petits mets bien agréables, comme un voleur, sans regarder au moins cette fameuse présentation et sans témoin maintenant que l'hôtesse était partie. J'étais très gêné. Je devais retourner à mon travail, je devais me raser... je devais trouver une chemise et je me rendais compte que je n'allais pas pouvoir me permettre d'en acheter une à un prix exorbitant.
On vint me chercher à ce moment.

Je me retrouvais avec d'autres clients: un homme et son téléphone portable et deux femmes bien habillées qui discutaient ensemble sans aucune volonté de se tourner vers moi. En sortant j'avais vu mon commercial en compagnie duquel je devais aller au rendez-vous ce soir. Il était là pour d'autres raisons mais me voyant de loin il m'interrogea du regard. J'avais la pression et j'essayais de lui montrer que tout allait bien sans trop y croire moi-même. Nous empruntâmes un grand escalator entouré de miroirs. Au niveau du 10è étage nous prîmes un grand ascenseur jusqu'au 42è. La porte s'ouvrit sur un autre salon, ressemblant à celui du magasin mais plus cossu et surtout avec une vue donnant sur tout Paris. On ne peut pas dire que nous étions mal accueillis, c'était vraiment très agréable. En musique d'ambiance il y avait du Bach, toujours clair et net mais pas trop fort. Au bout d'un quart d'heure d'attente nous avions pris chacun nos places et le défilé commença... un défilé féminin bien sûr; honneur aux femmes. Je commençai sérieusement à m'énerver. Mais les tenues étaient très jolies il est vrai, sans parler des mannequins (toujours pas mon style mais ne cherchons pas toujours la cohérence), et je m'amusais à regarder les deux femmes s'imaginer avec les toilettes proposées. On me fit signe de m'éclipser lorsque mon portable sonna.
C'était un ami et collègue qui m'appelait. Il blaguait un peu comme toujours de son humour grinçant et entendant la musique il me demanda où j'étais. Comme j'avais un peu honte je restais vague ? Le défilé prenant fin on vint me chercher et je fis patienter mon correspondant. Le major d'homme m'invitait à prendre un café au rez-de-chaussée... ça commençait à bien faire! Quand est-ce que j'allais pouvoir voir ma chemise ? Le major d'homme comprenait bien ma situation et invitait mon ami à prendre le café avec nous tout en me rassurant sur la célérité de l'opération et notre prompt retour pour la présentation.
On se retrouva en bas dans ce joli salon de thé des plus chics du centre commercial que je n'avais d'ailleurs jamais remarqué. On rigolait bien surtout que je ne lui avais toujours pas expliqué le fin mot de l'histoire. Le café était délicieux, nous en prîmes deux. Nous devions nous quitter. Il fallait que je me rende à l'évidence sur la fin de ma journée complètement gâchée qui m'obligeait à trouver une excuse bidon à mon absence au bureau. J'ai appelé et passé le savon obligatoire on fit semblant de croire à mon bobard.

De retour au 42è étage on me prit à part pour m'emmener dans une sorte de grand dressing room. Allais-je enfin trouver mon bonheur ? Un homme vint vers moi et je pouvais m'apercevoir qu'il n'y avait toujours pas de vêtement dans les parages. Non l'homme était là pour prendre mes mesures. Plutôt deux fois qu'une d'ailleurs. C'était interminable. Je finis pourtant par reprendre place pour la présentation masculine.
La musique avait changé, il s'agissait de rock maintenant, c'était de moins bon goût à mon sens. Je vis défiler des modèles musclés en costume et torses nus à la démarche "rebelle" et à la coiffure soi-disant nonchalante. Ca commençait franchement à m'énerver. Puis ses hommes sans poils aussi masculins que Jean Galfione ou Amélie Mauresmo vinrent en sous-vêtements... et enfin en pantalons de lin et chemises. Les chemises n'avaient rien à voir avec celle qui m'avait interpellé. Elles étaient blanches et à motif floral avec des couleurs pastel.
Il était 17H, j'avais "séché" le bureau, j'étais mal rasé, je n'avais pas de chemise élégante, mon rendez-vous était dans un quart d'heure et on me présentait une note pour toutes les petites attentions qu'on m'avait prodiguées.

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