13 juillet 2006

Doriane Green

Alors que je m'amusais gentiment avec mes couleurs sur ma palette je vis tout à coup mon pinceau traverser la toile qui me faisait face.
Le mouvement était ample et assuré aussi je décidai de laisser les choses se faire... Le moment ne dura pas longtemps et l'inspiration s'en alla aussi vite qu'elle était venue.
Face à moi se dessinait une silhouette féminine.

Plusieurs jours plus tard.
Même situation: je cherchais la couleur divine, la limite de la vision humaine... la revoici qui passe. Une femme au corps velouté se dessine, les traits purs, les lignes claires et mieux encore un mouvement simple et direct, presque nonchalant... cette fois-ci j'allais jusqu'à esquisser un fond, des couleurs pastel, puis plus rien, la silhouette s'estompa même peu à peu. Cette toile je l'ai montrée à tout le monde. C'était, semblait-il aux yeux étrangers, un exercice tout en retenue technique, presque froid et cet avis extérieur ne ressemblait pas à ce sentiment explosif qui était le miens.

Je recommençai tout. Mais cette fois je voulais maîtriser mon sujet. Derrière un drap, dans le cagibis, se trouvait cette vieille tentative très précise, pointilleuse mais sensuelle, que j'avais peinte tantôt. Je voulais effacer mon échec: une peinture sans arrêt recommencée jamais finie, qui ne me plaisait pas tant que ça au final car trop maîtrisée. Non ! Il me fallait quelque chose de totalement nouveau, pour moi-même, pour l'humanité, pour Doriane (depuis peu j'avais trouvé un titre).
J'ai commencé par le cadre. J'ai tenté le cadre universel et flexible, mes amis, ma famille, mes amantes m'y inspirant. J'inventai la toile Prosopopea enduite de fromage au teint pas si neutre que ça. Et j'ai commencé le fond.
Je remplissait ce tableau de couleurs encore et encore comme sur une gigantesque palette. Tous les jours j'invitais un modèle au corps massif et à la coupe étudiée à prendre place nue sur mon fauteuil mais ce n'était pas encore mon sujet. Tout à coup elle revint. Ce n'était plus une silhouette mais une femme entière au corps de cuivre aux yeux carnassiers et au sourire herbivore. Pendant des mois je me suis acharné, jamais fatigué, souvent énervé après moi ou plutôt après ce sujet qui ne voulait pas se faire accessible.
Et enfin ce fut achevé: Doriane... un tableau qui me plait... signé, vendu. Je l'aurais bien accroché dans mon salon mais après tout il faut bien vivre.

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