27 juillet 2007

La bombe

Enfin je retrouvais mes 2 potes que j'avais laissé il ya quelques mois dans la grisaille parisienne !

Il étaient descendus pour fêter un peu mon installation et pour visiter la région. J'étais heureux de leur montrer où j'étais désormais installé et de les retrouver tout bonnement comme si le monde n'avait pas eu de prise sur nous. Nous discutions un peu dans mon petit studio aux murs blancs, autour d'un verre: un Lagavullin pour l'un, un Coca-Cola pour l'autre, moi je sirotais mon Angostura avec délice.
La lumière était assez claire dehors, et permettait ainsi à mon appartement de ne pas être trop sombre malgré les fenêtres effilées et élevées qui couraient le long du mur. J'aimais bien cette vue un peu difficile d'accès sur le fleuve gris entouré de berges hautes, de quais pavés et gardes-fous métalliques bleus qui s'accordaient à mon BZ et ma décoration intérieur ; elles donnaient une connotation intime à l'intérieur tout en proposant un regard acéré sur l'extérieur.

Entre amis nous divaguions sur de nombreux sujets, entre plaisanteries et univers parallèles, comme si derrière le plaisir de nous voir se cachait de manière plus profonde le même romantisme mélancolique qui nous servait à voir le monde, prenant toujours comme référence une enfance irrécupérable, un temps perdu, lorsque le monde était encore jaune.

Des lumières étranges nous attirèrent cependant et nous nous vîmes bientôt nous coller aux vitres devant un spectacle bien singulier. De l'autre côté du fleuve en effet, au-dessus d'une partie des cheminées hyperboliques reconnaissables se formaient une sorte de nuage plasmique gris foncé alimentées par des colonnes de nuée boursouflante qu'elles éjectaient. Des lueurs semblaient provenir de la profondeur de ce nuage haut perché dans le ciel mais déjà suffisamment vaste pour remplir une bonne partie du bleu immaculé et profond des beaux jours qui battaient leur plein en ce mois d'août cotonneux.
Tout à coup la dernière cheminée à être restée à nos yeux inactive expulsa puissament à son tour cet étrange substance de manière continue, presque calmement, sereinement. Comme si le réservoir de cette matière était inépuisable.
Les lumières internes devinrent alors de vrais orages et la foudre se mit à tomber un peu partout jusqu'à iriser le paysage d'arcs bleus. Un peu effrayés devant un spectacle par ailleurs magnifique nous nous regardâmes interrogateurs: devions-nous fuir ? ou pour le moins nous protéger ? la situation était-elle dangereuse ?
Sur la rive opposée, le long d'un large trottoir aux pavés épais et neutres, un jeune couple d'amoureux tentait de s'enfuir de la scène tandis que de vrais éventails d'arcs électriques formaient désormais une sphère nacrée autour de la centrale.

Loin derrière le nuage opaque, alors que le paysage nous était devenu invisible, s'alluma soudain, et sans aucun rapport avec le drame qui se déroulait devant nos yeux ébahis et qui représentait peut-être comme un avertissement, un second soleil, perçant jusque dans nos pupilles. Plissant les yeux après un premier mouvement de recul nous regardions incrédules et en transparence un champignon prendre forme à des milliers de kilomètres. Puis prenant plus ou moins conscience de ce qui se passait le deuxième mouvement de recul se transforma en fuite franche. Une deuxième lumière, plus proche, embrasa toute la fenêtre et montrait nos ombres bien nettes gesticuler de manière anarchique vers l'ouverture de la cloison opposée.
Derrière le mur, comme si nous étions protégés par une fine couche de plâtre, alors que la porte indigo semblait trop lointaine au fond du couloir pour envisager une course plus ambitieuse, l'ombre était encore présente jusqu'à ce qu'une troisième explosion de lumière nous présente un jour d'une blancheur homogène, paupières fermées comme ouverte, et nous fasse signe d'une mort inéluctable.

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