Il est bien évident qu'aujourd'hui les espaces dits « virtuels » sont bien pauvres par rapport à l'espace vectoriel « réel » qui se base avant tout sur le paysage qui lui est fractal.
La caractéristique fractale du paysage fait qu'une large partie n'en est pas vectorialisée et que, plus largement, sa nature est indicible c'est à dire que le surplus significatif n'est pas quantifiable. A l'inverse les espaces virtuels communs aujourd'hui sont d'une pauvreté telle qu'ils en deviennent complètement sémiotiques c'est à dire que tout y a un rapport avec un discours. C'est seulement en cela que ces espaces virtuels représentent des espaces transitionnels, comme le théâtre ou d'autres spectacles à bien des égards. Mais comme eux ils ne sont pas seulement transitionnels, et en l'occurrence il s'y pratique des formes d'échanges culturels spécifiques qui, en l'absence d'instruction ou au minimum de mentor, sont difficiles à aborder a priori.
Non seulement le « Hello world » n'y est pas trivial (ce qui contredit l'espace transitionnel dans lequel préexiste une certaine homogénéité ou au moins un garbage-collector qui peut nettoyer les erreurs de référence le cas échéant... ce qui favorise le « jeu total ») mais notre propre place est questionnée en l'absence de tout rôle social. Passée l'élaboration de l'image il va falloir travailler à trouver un rôle et pouvoir alors, et seulement à ce moment-là, réfléchir à une face. On voit bien toute la difficulté de la chose tant ces processus ne se déroulent pas dans le même ordre que dans l'espace vectoriel habituel (pour lequel nous a été confectionné un espace transitionnel lors de l'enfance pour mieux nous instruire) et que ce déséquilibre n'est pas automatiquement propice à l'expression d'une toute-puissance éventuelle (on en est même loin, à moins d'être vraiment un très bon « joueur » même si l'aspect jeu n'est que partiel).
Une fois réellement investi dans ce monde virtuel (non sans travail donc) on pourrait imaginer la possibilité d'un rapport transitionnel à cet espace. Malheureusement pour cette théorie, bien souvent, en particulier lorsque des adultes s'y projettent, on se retrouve à mettre des aspects de notre existence en péril en tissant des liens avec le monde « réel » en payant, en gagnant de l'argent (reconnu dans l'espace vectoriel « réel » ...) et les avatars qui référencent des interactions avec d'autres avatars se retrouvent en relation, c'est à dire que les aspects de notre identité virtuelle (même s'ils peuvent être disjoints, à voir, de ceux de notre identité « réelle ») sont tout autant risqués. Le monde virtuel, au paysage pauvre, est tout de même un espace vectoriel et en fait peu transitionnel.
L'idée selon laquelle ces mondes virtuels pourraient être un endroit de fuite vient de l'idéologie de hiérarchisation des espaces vectoriels. Autrefois le théâtre était mal considéré par la bourgeoisie, les sociétés non européennes étaient considérées comme sauvages ou sous-évoluées lorsque l'architecture de la réalité n'était pas connue (lorsqu'aucune base commune n'était recherchée à l'élaboration d'un espace vectoriel commun).
Car enfin projetons-nous un peu: quelle sera notre rapport aux mondes virtuels (on pourrait dire « synthétiques ») lorsque leurs paysages seront aussi riches (ou peut-être plus) que dans le monde réel ? Un rapport pathologique sans doute... mais comme dans des cas où nous passons, dans le monde réel, à travers des espaces vectoriels disjoints, ce qui arrive. Si dans Matrix le paysage synthétique reste pauvre au regard du paysage naturel, dans Avalon c'est (peut-être, certainement même, ou en tous cas on est poussé à le croire) le contraire qui arrive: renoncer au synthétique est alors (peut-être, ce serait certainement la thèse de tout psy qui se respecte en voyant le film) la véritable erreur.
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