15 octobre 2008

Mon lit

Nous nous promenions avec ma soeur et mon beau-frère le long du canal du Midi. Il faisait beau et il y avait une légère brise qui nous permettait de ne pas suffoquer sous la chaleur.
A un coude du canal la bordée de platanes s'ouvrait sur un champs en jachère qui nous offrait une jolie vue. Ainsi mon beau-frère put m'expliquer, étrangement car c'est le genre d'informations qui ne pouvait habituellement intéresser ni lui ni moi, où se trouvait une base militaire servant à tester des prototypes.
Je cherchais à voir de l'autre côté de la colline un peu chauve qu'il me désignait et qui devait se trouver à quelques km de nous mais il me dit de chercher après la deuxième colline, encore derrière, et qui était couverte d'arbres verts foncés. Je désespérai vite de n'y rien apercevoir.

Tout à coup une sorte de petit avion à réaction apparu. Il volait de manière assez étrange, un peu comme un hélicoptère. Il se dirigeait vers nous de manière légère. Je me tournait vers ma soeur et mon beau-frère pour leur dire, trouvant cette apparition un peu cousue de fil blanc après la discussion que nous venions d'avoir, que l'un de nous trois était décidément en train de faire un rêve ridicule et que vu l'imagination de l'endormi je refusais d'endosser toute responsabilité au sujet de ce scénario un peu trop mièvre.
L'appareil vint se positionner en face de moi. Il était vraiment petit et de toute évidence aucun pilote ne pouvait s'y installer. Son attitude n'était pourtant pas celle d'un drône automatique mais plutôt celle d'un toutou qui voudrait jouer. Il pivota et me donna des petits coups de son aile, comme pour chercher un contact physique. Puis il me poussa à l'aide de son nez, ce qui me fit trébucher. J'étais par terre, sur un lit de pelouse, et la machine, que je comprenais être d'origine extra-terrestre, me roula sur le corps, me faisant un peu mal en me comprimant la cage thoracique.
Pas vraiment content de ce traitement je sortis le genou qui atterrit en plein dans le ventre de la créature de métal afin de me dégager. Elle s'enfuit alors aussi vite qu'elle était venue.

Je compris très vite que je ne pouvais la laisser partir comme ça et que je devais aussitôt prévenir les autorités compétentes en me dirigeant vers la base militaire toute proche. Justement nous découvrîmes à quelques mètres un objet qui nous parut être lui aussi d'une origine inconnue mais devant pouvoir servir de véhicule. Il s'agissait d'une sorte de boîte métallique nervurée parallélépipédique d'à peu près 2m sur 2m et de 80cm d'épaisseur. Elle s'ouvrait par le dessus. A l'intérieur la surface métallique était recouverte d'une sorte de molleton de couleur sanguine et deux sangles noires lâches reliaient une extrémité à l'autre de la boîte, de chaque côté. Enfin, en bas, se trouvait une sorte de planche métallique réglable et articulée avec des anneaux et des sortes d'accroches pour mettre les pieds. Je m'installai rapidement dans la boîte, passai mes chevilles à travers les anneaux pour mettre les pieds à l'endroit prévu et saisi, les bras en croix, les sangles de chaque côté qui devaient servir au pilotage. La boîte se referma sur moi. Étrangement je ne ressentais aucune sensation d'enfermement, j'avais même un sentiment d'espace et de bien-être, l'obscurité totale qui régnait me fit simplement, par réflexe, fermer les yeux.

Je tendis les sangles de chaque côté et la boîte décolla du sol d'environ 1m50. En tant que pilote de chasse je me disais que cet appareil ne devait pas être bien compliqué à prendre en main. En revanche en l'absence de tout appareil de mesure et moyen d'observation sur l'extérieur je ne pouvais me fier qu'à mes sensations et à ma mémoire pour me diriger. En fait, après réflexion, je trouvais ce système de navigation des plus ingénieux et en tous cas plus fiables que tous les appareils externes qu'on nous met habituellement à disposition et dont on se retrouve vite artificiellement dépendant.
En faisant coulisser les sangles sur leurs roulements du haut vers le bas je me positionnai en position verticale (je gardais pourtant de manière quasiment complète la sensation d'être allongé) tout en usant de la planche comme d'un surf pour pivoter vers la direction que je me souvenais être celle de la colline. Avec toutes les imperfections sensorielles et une mémoire imparfaite les petites erreurs d'orientation ne devaient quand même pas être rares avec cet appareil. Mais tout compte fait n'est-ce pas tout l'intérêt de la locomotion: se retrouver à peu près où on veut aller, mais pas de manière exacte ni assurée ? En fait il m'est alors apparu que j'avais toujours pensé que cette mode de l'exactitude n'était qu'idéologique.

Tendant tout à coup les sangles en baissant les mains tout en pliant les articulations des genoux et des chevilles je me propulsai rapidement, et à mon grand étonnement, considérant la signature aérodynamique de cette boîte quasiment à la verticale et face à son déplacement, dans la direction ainsi mémorisée dans une sorte de trajectoire plus ou moins parabolique.

Évidemment, après quelques secondes de vol, je ne me retrouvais pas exactement là où je l'aurais souhaité mais dans une université située non loin de là, dans une cour intérieur, une sorte de cloître, sous de hauts arcs blancs d'architecture gothique. Je voguais doucement en position horizontale à peut-être 2m du sol, ma présence sans doute surprenante provoquant la curiosité d'un groupe exclusivement composé de jeunes étudiantes. Celles-ci frôlaient les contours de ce corps métallique pour essayer d'en deviner la nature et je pouvais quelque peu sentir ces dizaines de mains se poser délicatement sur cette surface qui devait, sans doute grâce à une technologie innovante, me transmettre ces innombrables informations venues de l'extérieur.
Cet interlude ne dura que quelques instants car je fus rapidement repéré. L'alerte fut donnée et une sirène énervée se fit entendre. Alors que je m'envolai à nouveau au plus vite j'entendis la DCA commencer à tirer et sentis les explosions rythmées se rapprocher petit à petit, déséquilibrant de manière de plus en plus nette mon plan de vol. Il allait vite falloir que je réagisse et cette réaction serait sans doute en rupture avec le déroulement du cour des choses jusqu'alors assez persévérant.

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