20 mars 2009

A nos actes marqués

Ce matin j'écoutais, par hasard, jamais je ne le ferais par volonté propre, une chanson de Jean-Jaques Goldmann avec des amis à lui: "A nos actes manqués" (en réalité il y en a bien quelques unes de JJG que j'aime bien, mais sans plus). Il s'agit d'une chanson dont ni les paroles ni la musique ne cassent des briquettes mais qui aborde un sujet original et avec un ton appréciable puisqu'il propose de célébrer des actions dont elle pourraient être considérées comme des échecs au moins partiels.
Je pense qu'il y aurait encore bien plus à dire sur les actes totalement assumés, qu'on recommencerait même volontiers, et qui aboutissent à des situations difficiles à vivre voire même des échecs pour toute personne extérieure. Il ne s'agit pas du tout d'actes manqués, pas vraiment des actes réussis non plus mais plutôt des actes signifiants. Ils mettent en relief les diverses articulations entre de nombreux objectifs poursuivis, parfois des contradictions ou des imprécisions hasardeuses voire même l'accident et l'adaptation.
La dynamique amoureuse foisonne de successions de tels actes et c'est pour cette raison qu'elle est intéressante aussi intéllectuellement, parce qu'elle met en scène de nombreux actes particulièrement signifiants et qu'elle est porteuse de nombreux objectifs complexes. Mais elle n'est pas la seule à pouvoir être analysée. Dans mon précédent article je parlais d'une expérience amoureuse malheureuse (pas du tout plus signifiante qu'une expérience heureuse, simplement plus facile à désigner comme problématique) dont la dimension heureuse était inexprimée et qui avait conditionné l'impossibilité d'une rencontre en rendant invisible toute sa dimension positive pourtant promise mais aussi dénuée à coup sûr de la dimension négative de la première. En fait sans rencontre la relation sociale est sans dimension, ce qui n'est pas surprenant. Pour autant la dynamique amoureuse étant explicitement dépendante d'autrui le caractère fortement identitaire de nos choix, de nos actes, est difficilement visible.
D'autres situations mettent en relief la marque d'une identité indéniable quand bien même la volonté serait flottante, subconsciente, voire absente (comme une accumulation hasardeuse d'attitudes encline à devenir système, parfois sans jamais y parvenir vraiment). Il y aurait une multitude d'exemples à donner comme le fait, ou non, de demander dans un restaurant un nouveau plat quand celui qu'on vous amène ne correspond pas à vos attentes ou même de refuser de payer... situation rencontrée par tout le monde, peut-être plusieurs fois, souvent vécue de manière différente mais dont la réaction,à force, peut dénoter d'un trait de caractère. On pourrait parler de psychologie, tout bêtement, en considérant que le sujet agit de manière non écologique: un acte serait jeté, instantanément, dans un monde réel objectif et le plaisir qui en résulte en donnerait toute mesure ; faisant dominer l'intériorité, l'introspection, par une forme altérée de la loi du marché ou l'individu solitaire serait capable d'être un système économique complet, et donc l'acte, à dimension sociale, un déchet. Il s'agirait là de troubles graves de la personnalité, quand bien-même certaines personnalités médiatiques, voire célébrées, en souffrirait. Tout se passe comme si, et là-dessus la psychanalyse ne se fourvoie pas, nous donnions une valeur aux actes sans en mesurer les conséquences. Si le sexe a comme conséquence potentielle de donner la vie il n'est pas nécessairement instantané et peut apporter du plaisir, en soi, au sein d'une durée. Et ce plaisir rentre en concurrence avec celui propre à la séduction d'une autre durée. Des collaborations peuvent s'instaurer entre diverses attitudes, au sein d'une identité qu'on pourrait alors considérer comme un écosystème, mais ce n'est pas toujours le cas et il n'est pas rare que des phénomènes de rupture apparaissent.

Il serait dommage d'en déduire qu'il n'existe pas d'échec, ou d'acte manqué comme une résurgence d'une volonté qui échapperait à notre conscience. Il faut par contre comprendre comment ce qui apparaît comme un échec peut parfois être revendiqué ou, même quand il est au contraire subi avec frustration ou souffrance, si systématique qu'il faut le considérer comme signe. La psychanalyse propose une approche médicale personnalisée et un contrepoint à de nombreuses philosophies. Il s'agit pour moi de considérer comment l'identité est une articulation entre société et l'individu et de proposer l'acte inefficace (anefficace ?) comme marque de la multitude d'adhérences sociales de la concurrence des processus cognitifs... et je t'accorde même, cher lecteur, que cette dernière phrase, impossible, en est un bel exemple.

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